Le Conseil d’État a rendu une décision le 30 septembre 2025 concernant l’installation d’éoliennes à proximité d’un monument historique dans la Vienne. Il précise la manière dont l’administration doit mesurer l’impact d’un projet sur la conservation d’un monument, notamment en ce qui concerne les vues autour de celui-ci.

Prendre en compte les vues sur le monument… et depuis le monument :

Jusqu’à présent, la jurisprudence considérait principalement l’impact visuel d’un projet sur les vues portées sur le monument, c’est-à-dire la manière dont celui-ci est perçu depuis son environnement. Le Conseil d’État élargit ici la portée de l’analyse : il faut désormais aussi tenir compte des vues offertes depuis le monument, lorsque ces dernières contribuent à la qualité patrimoniale du site et participent ainsi à sa conservation.

Des vues « normalement accessibles » et d’une qualité particulière :

Le juge administratif suprême encadre toutefois cette prise en compte. L’évaluation doit se limiter aux vues offertes depuis les points normalement accessibles du monument, c’est-à-dire ceux qui peuvent être atteints par le public ou les occupants sans aménagement particulier.
De plus, ces vues doivent être d’une
qualité telle qu’elles participent effectivement à la conservation du monument, par exemple en contribuant à la mise en valeur de son environnement paysager ou historique.

Autrement dit, toutes les perspectives visibles depuis un monument ne se valent pas : seules celles qui contribuent à la beauté ou à la valeur patrimoniale doivent être prises en compte dans l’analyse de l’impact visuel.

Un monument fermé au public reste pris en compte :

Le Conseil d’État précise également que, même si un monument est fermé au public, cela ne suffit pas à écarter ses vues de l’analyse.

Cependant, cette fermeture doit être prise en compte dans l’évaluation : un château privé non ouvert au public n’a pas le même poids patrimonial qu’un site touristique très visité.

Une erreur de la cour de Bordeaux :

Dans cette affaire, le préfet de la Vienne avait autorisé la construction d’un parc éolien de sept turbines à Thurageau.

La cour administrative d’appel de Bordeaux avait annulé cette autorisation, estimant que le projet nuisait à la conservation du château de Rochefort, situé à proximité.
Mais le Conseil d’État a annulé cette décision : la cour s’était appuyée sur des
photomontages sans démontrer que les points de vue choisis faisaient réellement partie de la valeur patrimoniale du château.

Le Conseil d’État a donc jugé que la cour avait commis une erreur de droit.

Une décision d’équilibre entre patrimoine et énergies renouvelables :

Cette décision rappelle la nécessité de trouver un équilibre entre transition énergétique et protection du patrimoine.

Les préfets et services instructeurs devront désormais examiner plus précisément quelles vues comptent vraiment pour la conservation d’un monument avant d’autoriser ou non un projet d’éoliennes.

À retenir :

  • Décision : CE, 30 septembre 2025, n° 492891

  • Principe : il faut étudier l’impact d’un projet sur les vues sur et depuis un monument.

  • Limite : seules les vues accessibles et d’un intérêt réel pour le patrimoine doivent être considérées.

  • Fermeture au public : elle n’exclut pas l’analyse mais doit être prise en compte.

Sources : Décision n°492891 – Conseil d’État